This is the beginning [...] |
Je me nomme Edmund Gwendhal Simons. Je suis, comme vous l’aurez peut-être deviné – pour les plus cultivés d’entre vous – d’origine anglaise. Je ne sais pas vraiment par où commencer pour vous conter mon histoire. Je n’ai d’ailleurs pas un passé des plus heureux. Ni glorieux. Banal, vous dites ? Peut-être n’ai-je pas été le seul dans ce cas, certes. Mais que voulez-vous, on ne peut malheureusement pas choisir d’où l’on vient… Sinon, croyez-moi, j’aurai choisi bien plus banal… Être un de ces garçons insouciants qui ne pensent pas constamment au danger familial. Ils sont si… enviables. Je désirais leur vie. Mais comme je vous le disais, je n’ai pas eu un passé heureux.
Cadet de la famille, je suis né il y a de ça dix-sept ans. J’étais, à la base, un de ces bébés tout à fait ordinaire. J’avais certes donné du fil à retordre à ma mère lors de l’accouchement, mais tout s’était globalement bien passé. Faut croire qu’elle a eu envie de se venger par la suite. Mon père voulait absolument deux enfants, et ce depuis qu’il avait atteint l’âge de procréer. Et quelle ne fut pas sa joie lorsqu’il me découvrit pour la première fois. Ma génitrice, quant à elle, était étrange et avait sûrement un grain dans le ciboulot. Je me demande même encore aujourd’hui comment mon tendre père a fait pour se retrouver accroché au bras de cette… pimbêche.
Valeri, mon père, était un bel homme. Gentil, attentionné, charmant et plein de vie. C’était un soleil à lui tout seul. Il devait certainement être la plus grande fierté de toute sa famille. Il était ma fierté. J’étais fier d’être son fils, de porter ses origines et son nom. J’aurai largement préféré vivre seul avec lui, mais les choses n’ont pas été faites ainsi. D’après ce qu’il m’a raconté et ce dont je me souviens, il a rencontré ma mère lors d’une soirée organisée par sa sœur. Ma mère était belle, pour ça il n’y avait aucun doute, mais elle était horriblement conne. Mon père aurait certainement pu avoir toutes les femmes qu’il voulait, celles-ci tombant comme des mouches à son passage. Mais il a choisi cette ringarde. Oui, je ne l’aime pas, et ne l’ai jamais aimée.
Elle se nommait Lawrence. Elle était blonde, avait les cheveux longs, un regard noir et ténébreux empli de détermination, des yeux pétillants et une allure de top-modèle. Oui, elle était magnifique. Seulement, son QI ne dépassait pas celui d’un strangulo. Elle n’était pas appréciée de l’entourage de mon père, qu’il s’agisse de sa famille ou de ses amis. Jamais elle n’a été acceptée. Faut dire qu’elle ne se gênait absolument pas pour taper des scandales lorsque ça lui chantait. Il ne s’est jamais passé un moment dans sa vie sans qu’elle ne s’attire les foudres de ma grand-mère paternelle. De même pour les parents d’élèves des écoles que je fréquentais. Mesquine et médisante, personne ne pouvait l’encadrer.
Je ne compris que plus tard les raisons qui poussaient ma mère à vouloir un autre fils. Elle voulait que je ressemble à son père, en tous points. Malheureusement pour elle, j’étais tout autre. Malgré mon visage d’ange, j’étais chétif et semblais plutôt fragile. Je n’étais pas de ceux qui appréciaient le sport ou le combat. J’aimais la musique, tout comme mon père, et le surnaturel. Elle n’a jamais approuvé mon goût pour le violon, le piano, le chant et la danse. Elle eut beau essayer de me convertir à des loisirs plus masculins, jamais je n’acceptai. Elle me forçait à assister aux entraînements de Quidditch. « Tu nous fais honte, Gwendhal. » Hurlait-elle à chacun de mes retours. Mais je gardais la tête haute, traversant la salle avec un petit sourire aux lèvres qu’elle n’appréciait guère et qui faisait rire mon père. « Laisse-le donc faire ce qu’il désire. C’est ton fils, tout de même. » Tentait-il de me défendre. Seulement, rien n’y faisait, elle restait bornée sur ses préceptes moyenâgeux. Et quand mon père se mettait un peu trop en travers de son chemin, il se prenait une rouste, si ce n’était pas pire parfois. Je n’osais pas imaginer les coups qu’il recevait derrière mon dos. Oui, vous avez bien lu. Il s’agissait là de maltraitance conjugale, mais envers mon père… La nuit, je l’entendais pleurer, dans la cuisine. Il était malheureux. Quand le petit enfant que j’étais l’eut rejoint un soir, il m’agrippa dans ses bras, me serrant aussi fort qu’il le pouvait. J’étais quelque peu étouffé, mais tout de même ravi de recevoir autant d’amour. Il me disait combien il m’aimait, et à quel point il était désolé. Je lui répétais que ce n’était pas sa faute. « Si, c’est entièrement ma faute. Pardonne-moi. » renchérissait-il constamment.
Ma mère fut anéantie lorsque je reçus, à son grand désespoir, une lettre confirmant mon inscription à Poudlard. Mon père, quant à lui, était absolument ravi, et m’avoua que c’était lui qui s’était arrangé pour mon admission. Quoi qu’en pensait ma mère, je savais qu’il allait sûrement se sacrifier, quitte à me laisser définitivement chez mes grands-parents paternels.
Quand arriva mes quinze ans, je fus renvoyé définitivement de l’équipe de Quidditch junior de Londres, bien que je n’y jouais que durant les vacances. Ma mère avait beau tenter de convaincre l’entraîneur de me reprendre, rien n’y changea. Sa colère dépassa tout entendement lorsqu’elle m’agrippa par le bras, à tel point que mon sang ne circulait plus. Quand nous fûmes rentrés chez nous, elle me tira par les cheveux et me jeta à même le sol. « Je ne veux pas d’un fils gay. Hurla-t-elle. Il est hors de question que tu fasses une telle honte à ma famille. Je préfère ne pas avoir de fils plutôt que de subir telle infamie. Si tu continues sur ce chemin de toutes les tentations, mon garçon, tu finiras brûlé par les flammes de l’Enfer. La communauté magique se moquera de nous. Personne ne devrait accepter les homosexuels. Tu es le pêché incarné. Un homme se doit d’aimer le sport et de se montrer fort. Tu n’es rien de tout cela. Avoue tes fautes ! » Braya-t-elle en levant dangereusement sa main en l’air. Mon père tenta de s’interposer ; elle le repoussa facilement à l’aide sa baguette. Il comprit à ce moment-là qu’il ne pouvait rien faire pour moi. Je voyais dans son regard qu’il était déchiré entre l’amour de sa femme et l’amour de son fils. Il était endoctriné. J’avais peur. Peur de ce monstre à la chevelure blonde qui se tenait debout face à moi. Il me regarda avec ses yeux luisants de larmes. Ses lèvres remuèrent doucement. « Pardonne-moi, encore… » tenta-t-il de me dire. Toutes les parcelles de mon corps se mirent à trembler. J’inclinai alors la tête, fermant doucement les yeux, attendant ma sentence avec une appréhension non dissimulée. La nuit qui passa fut extrêmement douloureuse.
Cette époque était également celle de ma majorité sexuelle, et je fis une merveilleuse rencontre qui restera à jamais gravée dans ma mémoire. C’était un charmant jeune homme. Nous allions au même parc, mais nous étions totalement différents. Il était beau, et vraiment très attirant, fan de sport. J’étais comme poussé vers lui, comme si l’on m’avait ensorcelé. D’ailleurs, lui ne cessait constamment de m’épier, de me détailler. Il m’observait, longuement. Je percevais parfois son regard, qui me faisait littéralement chavirer. Ses yeux azurs remplissaient mon cœur de bonheur. Je ne me posais aucune question quelconque. J’aimais un garçon, voilà tout.
Je me demandais ce qu’il me trouvait. Physiquement, je n’étais pas extraordinaire et je connaissais des garçons beaucoup plus séduisants que moi. J’avais des cheveux bruns foncés, une peau de porcelaine et des yeux noisettes. Je mesurais environ un mètre soixante-quinze. On me disait souvent que j’avais l’air d’un ange. Un visage de petit innocent aux traits fins dont le regard rieur charmait les professeurs. Moralement, j’étais tout le contraire. Un vrai casse-cou. Intelligent et malicieux, drôle et charismatique, jaloux et possessif, juste et loyal. J’étais un petit con, quand je voulais. Mais la plupart du temps, je restai sociable et souriant.
La première fois que le garçon m’accosta, j’étais sur un banc, c’était l’été. Il était extrêmement confiant, et son attitude me perturba quelque peu. Il me demanda si je voulais qu’il me ramène chez moi. Je ne savais que répondre, je balbutiai quelques mots incompréhensibles. Il éclata de rire, puis me sourit. C’est ce sourire qui me fit perdre tous mes moyens. J’acquiesçai, emboitant le pas.
Nous arrivâmes à la lisière de la forêt avoisinante. Je restai perplexe, le regardant droit dans les yeux. « Que cherches-tu ? » lui demandai-je poliment. Il s’approcha de moi et posa ses deux mains sur mes joues. Elles brûlaient, mais cette chaleur était agréable… terriblement agréable. Puis, sans chercher à comprendre, il m’embrassa. Passionnément. C’était le plus long et le plus tendre baiser que je n’ai jamais eu de toute ma vie. Ses lèvres parcouraient les miennes avec douceur, sa langue s’aventurant parfois dans ma bouche. J’aurai voulu que le temps s’arrête, que ce moment dure pour l’éternité. J’étais aux anges. Il se mit à marcher en quête d’un endroit plus intime tout en m’expliquant qu’il connaissait ma différence, ce qui l’avait poussé à venir me voir. Je me laissais emporter par cette vague de chaleur, mes hormones en ébullition. Ma libido crevait certainement les plafonds à ce moment-là. Notre étreinte se poursuivit, pour devenir quelque chose de plus sensuel, parfois sauvage. Il s’aventura un peu plus sur mon corps, ses lèvres glissant de ma bouche jusqu’à mon cou. Il retira mon tee-shirt, embrassant mon torse avec fougue. Quelques minutes plus tard, nous étions tous les deux nus. Je me collais alors à lui, sa peau bouillonnante contre la mienne. Nous échangeâmes de langoureux baisers, avant de passer à l’acte. Ce fut le plus beau jour de toute ma vie. L’éclosion de sentiments nouveaux.
Nous nous vîmes chaque jour de l’été. Nous restions constamment ensemble. Nous formions un parfait duo. Au parc ou dans la rue, tous m’enviaient de traîner avec ce beau garçon. Certes, nous ne voulions pas nous afficher, mais il était plaisant de garder cette complicité entre nous devant les autres. Il connaissait tout de ma vie, de ma famille, de ce que je subissais chez moi. Cependant, mon jeune âge et mes problèmes familiaux m’empêchaient de construire une relation stable, puisqu’étant absent tout le reste de l’année. Faisant mes études à Poudlard et vivant chez mes grands-parents, nous en arrivâmes à la conclusion qu’on ne pouvait continuer notre relation. Cette rupture me déchira le cœur. Je connus alors ma première déception amoureuse.
Au fil du temps, je voyais en ma mère une rivale. Elle était douée pour les sortilèges et la manipulation, férue de sciences occultes et de Quidditch. Elle devenait peu à peu l’idéal que je recherchais chez toutes personnes. Malgré le fait que je la haïssais jusqu’au plus profond de mon être, elle m’intriguait. Plus je grandissais, plus elle tentait de me défier. Mon comportement commençait à changer, du tout au tout. Je devenais plus mesquin, plus renfermé, plus violent. Cette colère qui me brûlait les entrailles ne demandait qu’à exploser. C’était comme si ma propre mère cherchait ma destruction. Mon père n’acceptait pas ma nouvelle façon d’être. Il ne me reconnaissait plus. Ce changement annonça la fin de notre relation fusionnelle. À son grand désespoir, je fis la pire chose qu’il tentait d’empêcher : je voulais revenir vivre au foyer familial. J’abandonnai alors mes grands-parents pour retourner à Londres. J’ai encore souvenance de ce nouveau premier jour à la maison.
« Bordel Edmund ! Lèves-toi ! »
Un lancer de bibelot avait accompagné la douce voix de mon frère aîné. Il avait dix-neuf ans, j’en avais seize. J'avais beau le détester jusqu'au plus profond de moi-même par moment, je l'aimais à en mourir. Ma main avait lourdement écrasé l'énorme couette blanche, et j'émergeais de mes rêves. Je devais très certainement avoir une sale tête à ce moment là, car il avait explosé de rire en me fixant pendant plusieurs secondes. Il m'insupportait dès le réveil.
« Au lieu de venir me faire chier avec ta voix de crécelle, va plutôt chercher de quoi me sustenter. » « Et toi, fermes-la un peu frangin et bouges-toi le cul. La mère nous attend en bas, elle veut nous parler d’un truc important... »
Nous nous étions échangés un regard complice. Il ne fallait pas tergiverser beaucoup plus pour comprendre : ça allait barder. J’avais sauté alors de mon lit, en boxer, dévalant les escaliers quatre à quatre. Mon frère fermait la marche. La harpie nous attendait, les bras fermement croisés.
« La rentrée approche, mes garçons. Annonça-t-elle en soutenant mon regard. A partir d’aujourd’hui, un nouveau programme est instauré en ces lieux de force et de détermination. Votre réussite m’importe autant que notre popularité sociale. » « Popularité inexistante, dois-je rappeler. » marmonai-je dans mes dents. « Bien que ton minable frère fut envoyé à... Poufsouffle... » toussota-t-elle, le mot semblant lui écorcher la gorge. Je compte sur toi, mon aîné, pour redorer notre nom de la gloire qu’il mérite. Je ne pus m’empêcher de ricaner. Quant à toi, l’imbécile heureux, tâche de ne pas trop te faire remarquer. Ni de divulguer ce que tu es. » « Ce que je suis ? » demandai-je innocemment, un sourire niais s'affichant sur mon visage. « Ne fais pas l’ignorant, tu sais de quoi je parle... soupira-t-elle d’agacement. Je ne te laisserai pas souiller notre nom. J’espère que je suis assez claire. Tu as tout intérêt à t’aligner aux normes, alors obéis. » « Ce que je suce ne les regarde aucunement, chère mère. Je dirai ce qu'il me plaira. Et par la même occasion, je baiserai qui j’ai envie. »
La réaction fut immédiate, ma mère me gifla de toutes ses forces alors que mon frère se mordit violemment la langue pour ne pas éclater de rire.
Les semaines qui suivirent furent difficiles et éprouvantes. Ma mère se démenait pour nous donner quelques entraînements de sortilèges. Ses méthodes d’enseignement étaient plus que douteuses et je compris finalement pourquoi elle n’avait pas été retenue pour exercer dans une école de magie anglaise. Émotionnellement je me créais des barrières, sans pour autant cacher mon homosexualité. J’essuyais les coups, je me relevais. Ça en devenait tellement banal. Un soir, je rejoignis ma mère dans notre salon. Elle me sourit mesquinement.
« Il est inutile de m’amadouer. Je ne rentrerai plus ici durant les périodes estivales... Il est complètement hors de question que je vive sous le même toit que toi. »
Elle me ria au nez.
« Tu n’en serais pas capable. Tu n’oseras jamais me tenir tête comme tu le faisais auparavant. Tu sais de quoi je suis capable. Commença-t-elle en me montrant du menton mes bras lacérés. Son visage sembla se durcir davantage. Tu ne réussiras jamais rien. Tu n’es rien tant que je le décide. »
Elle sortit sa propre baguette et m’envoya valser violemment contre le mur. Elle éclata d’un rire cristallin, se retournant vers la cheminée pour contempler les flammes qui crépitaient. Je me redressai sur le sol, m’agenouillant, la rage dévorant mes organes. Elle revint à nouveau vers moi.
« Tu ferais presque pitié à voir. Elle faisait tournoyer sa baguette entre ses doigts. Dois-je te laisser pourrir notre existence ? Ton père ne semble plus te vouloir à ses côtés, comme avant... Il serait aisé de te faire disparaître en laissant croire à un accident. »
Les larmes commençaient à emplir mes yeux couleur noisette. Je me levai doucement, mon regard trouble se posant sur la grande faucheuse qui se tenait devant moi d’un air fier. Du coin de l’œil, je pus apercevoir mon frère aîné qui observait silencieusement la scène. Ma chère mère leva sa main en l’air, sa baguette me visant dangereusement. Alors qu’elle commençait à ouvrir la bouche pour prononcer sa formule meurtrière, je n’eus aucunement le temps de réaliser ce qui suivit. AVADA KEDAVRA. Au même moment, je sentis que quelqu’un me poussa pour me plaquer sur le sol. J’entendis un autre bruit sourd puis le silence total.
Mon frère était allongé sur moi. Nous nous regardâmes un instant, mes yeux larmoyants plongés dans les siens. Il m’embrassa doucement sur les lèvres, comme un enfant aurait pu le faire par insouciance, comme pour me montrer son amour et à quel point il tenait à moi – même s’il ne l’avait pas autant montré durant notre enfance. Nous nous relevâmes avec difficulté. J’aperçus le corps inerte de ma mère qui avait heurté le siège derrière elle et qui était tombé lourdement sur le parquet. Le miroir qui était derrière moi lorsque j’étais face à elle était fissuré en son centre. Son sortilège avait ricoché et s’était retourné contre elle.
Nous avons attendu une bonne heure dans le salon, assis sur les sièges, observant de nos regards vides le corps de notre mère. Mon père sembla effrayé – et étrangement soulagé – lorsqu’il découvrit l’accident. Nous lui expliquâmes tout en détail, mon frère appuyant mes propos et inversement. Une enquête fut ouverte par les autorités compétentes. Ils constatèrent que le sortilège qui avait tué notre mère avait bien été lancé de sa baguette et qu’il avait bien ricoché sur le miroir. Tous les soupçons à notre égard furent levés et nous pûmes regagner notre demeure. Les quelques semaines qui suivirent, avant la nouvelle rentrée de Poudlard, nous permirent de renouer les liens passés avec notre père.
Âgé de dix-sept ans, j’allais faire mon entrée en septième année chez les Poufsouffles à Poudlard. Mon frère de vingt ans, diplômé de Serpentard, s’évertuait quant à lui à devenir professeur. |